Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Vous poursuivez votre tour de France entamé la semaine passée à Bordeaux puis à Rouen... Le tour de France des élus qui pensent que l’argent public est un puits sans fonds. Votre étape du jour s’arrête à Lyon
Je ne vous resitue pas le cadre, dette galopante, finances publiques exsangues et prélèvements au maximum, ce qui devrait conduire tout le monde à un peu de retenue dans l’usage de l’argent des contribuables. Le message n’est visiblement pas parvenu à Lyon non plus. Un petit scandale agite la capitale des Gaules, avec manifs et concerts de klaxon de mécontentements, comme le raconte le média local Actus Lyon. Celui de l’étendage de la Place Bellecour.
Etendage, c’est évidemment un sobriquet. Il est donné à une oeuvre d’art en court de construction.
Un sobriquet, oui, mais c’est un nom bien trouvé. Il s’agit d’une oeuvre contemporaine de l’artiste Romain Froquet, qui figure des toiles de couleurs, jaune-orangé, suspendues par des filins sur une armature de bois et de béton. Un “ Tissage urbain” de 1500 mètres carrés, une sorte de promenade supposé rafraîchir l’esplanade et évoquer l’héritage des canuts lyonnais. Ce qui fait polémique, outre le fait qu’on ne voit pas ce que ça pourrait rafraîchir, c’est le prix de l’étendage. Un million et demi d’euros dont 300 000 euros pour le seul entretien d’une installation éphémère qu’il faut vidéosurveiller par crainte des dégradations. L’opposition s’étrangle de cette gabegie. Le Tancarville le plus cher de France
D’autant que ce n’est pas ce qui était prévu.
Non, la place Bellecour, qui est effectivement une pierrade en plein été, devait être arborée, ce qui reste la façon la plus efficace d’apporter ombre et fraîcheur. C’est d’ailleurs ce que voulaient les habitants qui avaient choisi la solution proposée par la mairie écologiste de Grégory Doucet via un budget participatif, en 2022.
Mais le maire s’était un peu avancé en proposant cette végétalisation en pleine terre, vu que sous la place, il y a un parking et un métro. On ne peut donc pas y implanter des arbres. La nature est têtue et elle n’a pas encore compris qu’elle devait se plier aux tocades écolos. Ça devait coûter un million et demi. Le budget a donc été affecté à une oeuvre d’art éphémère, pour le même montant, chercher l’erreur.
C’est d’autant plus agaçant qu’à Lyon aussi, les élus se sont plains des économies que le Gouvernement exigeait des collectivités locales.
Le budget lyonnais, c’est un peu moins d’un milliard d’euros. 969 millions. Lors de l’élaboration du budget, le Gouvernement Barnier demandait à la ville 25 millions d’économies. Dans les Echos, à l’époque, l’adjoint chargé de la végétalisation, de la biodiversité et de l’alimentation se lamentait. “ l’équivalent d’un an de cantine et de périscolaire et de deux ans de crèches”, sanglotait-il. Les désormais célèbres crèches invariablement sacrifiées sur l’autel de la rigueur. On est rincé, on est essoré, à Lyon. Les petits gones et les petites fenottes, comme on appelle les enfants à Lyon sont au pain sec. On pleure, on pleure... Mais personne n’a songé à replier ce délirant étendage.