Droit à l'aide à mourir : «On a très peur pour les plus vulnérables», témoigne une médecin et aidante
Les députés français franchissent une étape décisive vers la légalisation de l’aide à mourir, en définissant les critères d’éligibilité après des débats tumultueux. Europe 1 est allée à la rencontre de Magali Jeanteur, médecin et aidante de son époux lourdement handicapé, qui s'inquiète de l'aide à mourir comme seule alternative face à des soins palliatifs encore trop peu présents.
Les députés ont adopté mercredi 21 mai les modalités selon lesquelles une personne pourra demander une aide à mourir à un médecin, lors de l’examen marathon du texte portant sur ce nouveau droit, très débattu.
Pour éviter toute dérive de ce dispositif, la décision sera collégiale. Un médecin devra convoquer une réunion avec à minima un spécialiste et un soignant qui donneront leur avis.
Un garde-fou qui ne rassure ni la partie des soignants opposée à ce sujet, ni ceux qui se font appeler les éligibles, autrement dit des personnes qui correspondent aux critères pour accéder à cette aide à mourir.
"Une dégradation progressive des prises en charge"
Certains d'entre eux préféreraient voir émerger une aide à vivre. Ce samedi 24 mai, à 14 heures, ils entendent manifester contre la loi sur la fin de vie. Ce rassemblement est organisé par Magali Jeanteur, médecin, mais aussi proche et aidante de son époux lourdement handicapé.
Cyrille Jeanteur n'a que 32 ans et père de 3 enfants en bas âge lorsqu'il est victime d'un accident de voiture en 1997. Il est depuis atteint d'une double hémiplégie, a frôlé de nombreuses fois la mort, explique son épouse Magali. Il ne communique avec elle qu'avec l'œil et le pouce gauche en montrant des lettres sur un alphabet.
"Il dit 'je suis vivant et je veux vivre' ? On suivait les débats et puis au fil des amendements qui ont sauté, il était en colère. Ce qui l'inquiète, c'est qu'on parle que de mort. Alors que lui, il veut qu'on l'aide à vivre, il a en besoin, il est dépendant pour tout", détaille Magali Jeanteur au micro d'Europe 1.
Si demain la loi est votée telle qu'elle, Cyril pourrait demander la mort. D'après Magali, l'argument de la liberté de choix, souvent brandie en faveur de l'aide à mourir, est ambiguë. "C'est plus facile d'aider à mourir que d'aider à vivre. Mon mari est rasé une fois sur deux, il n'est pas habillé tous les jours, faute de personnel, il est en institution actuellement. On voit, sur les trente années qui se sont écoulées, une dégradation progressive des prises en charge", explique-t-elle.
"Une seule alternative"
Par ailleurs, cette médecin généraliste qualifiée en soins palliatifs se dit pourtant chanceuse. Son époux a accès aux soins en région parisienne et à une situation financière correcte.
"Ce n'est pas le cas de tout le monde. On a très peur que les plus vulnérables n'y arrivent plus. Vous avez quand même la moitié des départements français où il n'y a pas de soins palliatifs. Donc il n'y aura qu'une seule alternative, ce serait l'aide à mourir", détaille-t-elle.
Elle appelle les parlementaires à entendre le témoignage des éligibles à leurs lois, des personnes, des visages souvent invisibles, car malades, mais vivants.